Jar Jaari Serigne Touba

Jar Jari Serigne Touba [6] : Les relations de Serigne Touba avec les colons

Les relations de l’autorité coloniale avec Ahmadou Bamba sont plus complexes. Nous avons vu que, dans un premier temps (1886-1912), elles se caractérisent par l’hostilité. Le fondateur du mouridisme était accusé de vouloir ranimer la guerre sainte et prendre la relève des souverains déchus. Il a été incontestablement le symbole du nationalisme et de la résistance wolof à la colonisation. Il a représenté ce symbole par son attitude de distance et de non-soumission vis-à-vis de l’administration qui l’a interprétée comme une marque d’hostilité. En fait, cette attitude profonde avait été adoptée depuis l’époque monarchique à l’égard de l’autorité temporelle. Contrairement à El Hadji Malick, le chef du mouridisme ne considérait pas celle-ci comme sacrée parce qu’instituée par la volonté divine. Dieu était la seule autorité qu’il devait servir, à l’exception de toute autre.

Déjà, en 1883, refusant le poste de cadi du Royaume que lui proposait le Damel Lat Dior, il declarait : « J’ai honte que les anges me voient porter mes pas auprès d’un roi autre qu’Allah ». De la même manière, refusant de répondre à la convocation du Gouverneur de Saint-Louis en 1903, il lui faisait savoir : « Je suis le captif de Dieu, ne reconnais d’autre Maitre que lui et ne rend hommage qu’a lui seul ».

Cette attitude de refus de la collaboration a été considérée comme une volonté d’insoumission voire de révolte. Ce n’est que plus tard que les Français comprendront qu’Ahmadou Bamba était essentiellement un chef religieux dépourvu d’ambition politique. Pendant la période  de persécutions dont il a été victime, il n’a pas élaboré d’idéologie politique de résistance a l’instar d’un Ghandi par exemple qui, bien après avait élaboré une idéologie contre l’empire britannique. Il a lui seul assumé sa forme de lutte. Les propos que lui prête P. Marty, sans donner d’ailleurs de références précises, selon lesquels il appellerait de ses vœux la soumission à son autorité des Noirs comme Blancs, des chrétiens, sont généraux et faisait allusion certainement à une soumission spirituelle. Néanmoins, Ahmadou Bamba selon Marty « était subversif dans ses publications : tous les corps me sont soumis, tus les cœurs dompte par mois. Les Blancs et les Noirs me sont soumis ».

Nous avons vu que la période d’hostilité était close en 1912, date de son installation à Diourbel, après son retour d’exil. A partir de ce moment, les relations entre Ahmadou Bamba avec l’administration s’améliorent et deviennent moins conflictuelles. Les raisons de cette évolution sont multiples et ne se résument pas uniquement à ses quelques éléments avancés par des autres occidentaux : une plus sereine appréciation, par le pouvoir, de son attitude de guide religieux pacifique, un accommodement du chef mouride avec la colonisation qui se stabilise et fait régner l’ordre et la paix. Ahmadou adopte donc le principe du « neutralisme positif » dans la mesure où les blancs lui ont collé la paix et ont même reconnu les erreurs sur le marabout.

En fait les changements d’hommes et de politiques coloniales ont beaucoup contribué à l’évolution des rapports entre Ahmadou Bamba et les Français. Il y a eu aussi les dimensions mystiques que les occidentaux n’intègrent pas du tout dans leurs analyses. En réalité Ahmadou Bamba était dans une mission dont la programmation échappait aux colonisateurs.

Serigne khadim Gaydel Lô

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