Netali Borom Ndame

NETALI : L’exil du Cheikh, la rencontre de Mame Thierno Birahim avec l’administration coloniale

Le commandant Leclerc, administrateur de Louga et du Jolof, était un homme léger et prompt qui ne s’informait pas des choses personnellement.

Quand Leclerc ajouta foi aux dires des calomniateurs, il communiqua la nouvelle au gouverneur général de Saint-Louis. Ce dernier ordonna que notre Cheikh se rendît personnellement auprès de lui. La lettre du gouverneur lui ayant été transmise par Leclerc, notre Cheikh, qui avait alors un empêchement, envoya à sa place son frère et bras droit, le cheikh Ibrahim.

Conformément au destin, le calomniateur avait exprimé aux autorités ses doutes quant à la venue du Cheikh à Saint-Louis et leur aurait dit que, même si le Cheikh s’était rendu auprès d’elles, il ne se serait point intéressé à ce qu’elles lui diraient. En effet, le calomniateur connaissait notre Cheikh et savait sa pureté et son indifférence à l’égard des choses de la vie terrestre, qui ressemblait à l’indifférence d’un naïf, à cause de son renoncement réel et naturel à ces choses. Le calomniateur savait aussi du reste que le Cheikh ne surestimait pas l’importance des terreurs du monde et de ses affaires.

Quand Ibrahim se présenta au gouverneur général à la place du Cheikh, le gouverneur faillit éclater de colère à cause de ses soupçons et chargea l’administrateur de Louga d’emmener le Cheikh à Saint-Louis.

L’administrateur, croyant la guerre inévitable, mobilisa ses soldats alors même que le Cheikh ignorait tout de la gravité de son geste aux yeux des autorités.

Quand la nouvelle de la décision de l’administrateur de Louga parvint au Cheikh, il dit : « Je ne croyais pas que mon absence aurait revêtu cette gravité à leurs yeux ». Ensuite, il envoya le cheikh Ibrahim une nouvelle fois afin qu’il leur expliqua qu’il n’était retenu que par un empêchement, qu’il était désormais disponible à se rendre auprès d’eux, s’ils tenaient toujours à le rencontrer, et qu’il n’avait nul besoin de gaspiller leurs biens à une mobilisation de soldats, qui risquait d’ailleurs de ternir leur réputation car il n’avait lieu ni révolte ni guerre.

Ce qui vous explique que les envieux et leurs soupçons furent à l’origine de l’affaire, c’est que le cheikh Ibrahim, qui les avait contactés à Guéoul, m’a dit que, lorsqu’il avait rencontré l’administrateur de Louga et demandé à l’interprète de lui expliquer ses besoins, l’administrateur lui avait donné une réponse qui ne correspondait pas à ses paroles. « Alors, dit cheikh Ibrahim, j’ai compris que l’interprète avait modifié mes paroles et que cela avait causé tout le malentendu. Aussi suis-je allé, poursuit-il, à Barane Diaw et lui ai-je demandé d’expliquer au gouverneur l’objet de ma mission. Il accepta et expliqua à ce dernier que j’avais récusé le premier interprète et voulait qu’un autre lui en tint lieu. Il m’écouta attentivement. J’ai parlé et le nouvel interprète lui expliqua si bien ma mission qu’il l’a compris et que son visage apparut soulagé et éclairé. L’administrateur dit ensuite : “Tout à fait, en effet, le premier interprète ne m’avait pas expliqué de cette manière. S’il en est ainsi, je ne me rendrais pas chez vous, mais resterez ici, et toi, tu retourneras auprès de ton frère et lui remettra cette lettre afin qu’il me trouve ici demain. Que le premier interprète un tel t’accompagne” ». Pourtant, l’interprète, qui eut été tout d’abord parmi les plus grands calomniateurs, dès ce moment-là devint le porteur de l’étendard (des calomniateurs).

Le cheikh Ibrahim dit : « Quand il s’aperçut que j’avais compris ses intentions et qu’il n’avait plus aucun moyen de me tromper après avoir découvert son désir de laisser croire que le Cheikh ne viendrait jamais volontairement, il usa de ruse à mon encontre afin de m’empêcher d’arriver à la demeure du Cheikh avant le rendez-vous, ce qui aurait fait naître un autre soupçon qui eut confirmé le premier. Aussi se mis-t-il à s’attarder et à afficher la paresse. Il me dit : “Je ne peux pas partir à cause de la chaleur ; attend qu’il fasse moins chaud”. Lorsque la chaleur s’atténua, nous sortîmes en un lieu proche. Alors il me dit : “Je ne partirai que quand j’aurai dîné, or la préparation du dîner n’est pas encore commencé”. Ensuite, il me dit : “J’ai sommeil ; pars, toi, avec ce guide, si tu es pressé” ». Il l’avait conduit, en effet, dans un chemin autre que celui qu’il connaissait. « Il envoya un homme avec moi, dit le cheikh Ibrahim, et lui recommanda secrètement de m’égarer dans l’obscurité de la nuit ». Mais malgré son calme et sa diplomatie, cet homme parfait qu’était le cheikh Ibrahim était expérimenté et ne se le laissa pas trompé… « Ayant saisi les desseins de cet homme, dit-il, je l’ai abandonné et ai pris les étoiles pour guides. Le Coran nous dit d’ailleurs que c’est grâce aux étoiles que l’on retrouve la bonne direction. Je visai la demeure du Cheikh située à la pointe du jour. J’y trouvai le Cheikh dans son lieu de prière, entouré de ses bagages. Les Mourides qui allaient porter les bagages étaient debout à ses côtés ».

Le cheikh Ibrahim dit : « À mon arrivée, il se hâta de me demander : “Qu’as-tu fait”? Quand je lui eus rapporté une partie de ma mission, il m’a interrompu en me disant : “Les choses sont tellement confuses qu’il faudra beaucoup de savon, une grande quantité d’eau et un habile raseur. Approchez le cheval. Je vous confie à Dieu Qui ne perd pas les Dépôts. Occupez-vous de science, d’enseignement et d’agriculture ; veillez sur nos parents et notre famille ; restez ici aussi longtemps que vous le pourrez. Si le pays ne vous convenait plus, retournez au Baol” ». Ainsi chevaucha-t-il vers eux, tout satisfait du destin et du Décret divin, mettant sa bride entre les Mains du Seigneur, de l’Ordre, de la Défense, et s’attachant au Livre de Dieu et à la Sunna de Son Messager (PSL). À ce moment-là, le monde l’abandonna et lui reprit toute sa parure après lui avoir été considérablement favorable.

Extrait Minanoul Bakhil Khadim

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