Après avoir reçu plusieurs convocations et émissaires des autorités coloniales qui le sommaient à se rendre à Saint-Louis, Cheikh Ahmadou Bamba quitta sa résidence de Darou Manann le samedi 19 Rabi’u (15 juin 1903) en début d’après-midi et passa à Ngabou avec le commandant de la force dépêchée à sa recherche. Le lendemain, il poursuivit son voyage vers Saint-Louis via Diourbel, Touba et Tivaoune d’où il fit le reste du trajet. De Saint-Louis, il alla par bateau à Dagana où il passa cinq jours avant de traverser le fleuve vers la fin de Rabi’u en compagnie de Cheikhouna B. Dada, l’envoyé de Cheikh Sidiya (1869-1924). Peut-être les autorités coloniales envoyèrent-elles Ahmadou Bamba à Cheikh Sidiya à cause de ce que l’on rapporte de ce dernier, à savoir qu’il leur avait dit que Ahmadou Bamba était un homme pacifique et qu’il acceptait de le garantir. Elles acceptèrent alors de le lui envoyer…
Toujours est-il que le Cheikh attendait, avant de répondre à une convocation, l’autorisation de son Seigneur et celle du Prophète (P.S.L). Cette attente était considérée à tort comme un refus des convocations. En tous cas, Ahmadou Bamba poursuivit son voyage en compagnie des envoyés de Cheikh Sidiya et arriva auprès de ce dernier qui avait quitté son fief et résidait chez les « Banî Dayman » à cause d’une affaire qui opposait certaines tribus à la sienne. Il resta avec le Cheikh Sidiya qui se déplaçait si fréquemment qu’il ne se fixait nulle part. Ainsi, dans l’espace d’un à deux mois, il effectuait plusieurs déplacements. Ceci étant contraire aux usages du Sénégal, Ahmadou Bamba et ses compagnons en souffrirent. A cela s’ajoute que ses adeptes venaient le rejoindre où qu’il se trouvât. Or il se trouvait parfois dans des endroits reculés auxquels menaient des chemins dominés par des brigands qui agressèrent ses adeptes à plusieurs reprises. Pour plusieurs raisons, Ahmadou Bamba décida de se séparer du Cheikh Sidiya. Celui-ci refusa parce qu’il voulait le maintenir auprès de lui pour la raison évoquée plus haut, à savoir la recommandation que le gouvernement lui avait faite de surveiller Ahmadou Bamba. Devant la détermination de ce dernier, les Maures comprirent qu’il était sincère et qu’il ne prenait aucune décision pour un motif égoïste. C’est pourquoi ils approuvèrent sa décision. En guise de plaisanterie, il leur cita ce vieux vers : « Si nous avions le choix, nous ne nous séparerions pas, mais il n’y a pas de choix devant les vicissitudes du temps ».
Au lieu de « devant les vicissitudes du temps », le Cheikh dit : « devant la recherche de pâturages ! » C’est-à-dire : « vous êtes toujours à la recherche de pâturages, donc en perpétuel déplacement. » Cette remarque amusa bien ses auditeurs. Ensuite, il passa le Ramadan de cette année dans une localité appelée Sarsàra où il fut rejoint par un grand nombre de visiteurs et de fidèles venus s’instruire auprès de lui notamment les « Bani Dayman » parmi lesquels figuraient leurs notables, les « Awlad Baydah » Abdallah et leurs frères. A propos de son séjour à Sarsàra, Ahmadou Bamba écrivit :
« Mes louanges et remerciements son consacré à Celui
Dont j’étais devenu parfaitement satisfait à Sarsàra,
Tout satisfait de lui, je le loue
Depuis qu’il m’a amené des partisans issus des « Bani Daymâni »
J’étais tout dévoué à Dieu lors de mon séjour chez ces généreux
Que j’ai quitté après avoir reçu de nombreux visiteurs.
Ceux qui allèrent à Sarsàra dans l’intention de me rendre visite
Sont définitivement déchargés de leurs péchés. »
Extrait Irwahou Nadim
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