« Hamzatou DIAKHATÉ m’a raconté qu’il se souvenait d’un jour où son père avait rendu visite au Cheikh. Assis près de son père, il a entendu le Cheikh lui dire : « Je me prépare en ce moment pour un long voyage. – Le père de Hamzatou lui a dit alors : Peut-être est-ce vers le Jolof que j’ai entendu ? – Non, répondit le Cheikh, il ne s’agit pas d’un voyage de ce genre, mais il s’agit d’un voyage tout autre ».
Il est d’ailleurs une des choses qui témoignent de sa haine pour l’empressement des hommes auprès de lui, ce que de nombreux Mourides m’ont raconté. Un jour, le Cheikh s’était rendu à la mosquée. Les gens, se bousculant pour lui étendre son tapis, faillirent se battre. Après les avoir calmés, le Cheikh dit : « S’il plaît à Dieu, je poserai mon tapis là où personne ne s’approchera de moi pour m’aider à l’étendre » … Certains dirent qu’il avait l’intention d’accomplir le pèlerinage à la Mecque et d’errer seul par la suite. D’autres donnaient d’autres interprétations. Mais Dieu sait le mieux ce que le Cheikh entendait par ces paroles.
Toujours est-il qu’il avait certainement l’intention d’accomplir le pèlerinage. Il avait même exprimé à son frère et confident, le cheikh Ibrahim, certaines des raisons pour lesquelles il voulait effectuer le pèlerinage. Cependant, en disant qu’il poserait son tapis là où personne ne s’approcherait de lui, il faisait allusion, outre le pèlerinage, à une éventuelle errance ou un désir de se réfugier dans des endroits solitaires. Peut-être enfin faisait-il allusion au voyage effectué le jour même où il termina son livre intitulé : « Mukaddimât al-Khidma » [Préambule au Service].
Il m’a dit de sa propre bouche que ce livre était la cause de son exil. Car Dieu avait exaucé ses prières et lui avait accordé une Grâce sous forme de peine. Il m’a dit un jour : « Dieu merci ; ma foi en ce qu’il faut croire ne s’est jamais accrue et ma rigueur morale, mon amour pour le bien et mon observance du culte ne se sont pas accrus depuis ma maturité. – Je lui ai dit alors : Donc vous n’en avez pas obtenu davantage pendant l’exil ? – Souriant, il m’a dit : Ma connaissance gnostique s’est accrue, mon arrivée à Dieu (« wusûl ») s’est confirmée, ma certitude a atteint de nouveaux degrés et j’ai obtenu des grâces infinies » … Brefs, il s’en alla en abandonnant ses parents, sa famille et ses Mourides qu’il confia au cheikh Ibrahim. Ayant séjourné quelques temps à Saint-Louis, il lui (cheikh Ibrahim) envoya une lettre dans laquelle il lui accordait le choix de s’installer avec sa famille dans une quelconque de ses maisons. Après son départ pour les îles, le cheikh Ibrahim resta à Mbacké Bari le temps d’achever les travaux des champs, car l’exil survint à la fin de l’hivernage de l’an 1313 (1895 de l’ère chrétienne), puis il ramena la famille et les bagages du Cheikh à Mbacké Baol. »
Extrait Minanoul Bakhil Khadim
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