Au travers de l’Histoire, l’Afrique est de loin le continent qui a subi le plus de bouleversements dans tous les sens du terme. Quatre siècles d’esclavage ont vidé ce continent de ses filles et de ses fils les plus vigoureux et les plus productifs.
Nous ne parlerons pas de la colonisation ou des deux guerres mondiales et leurs lots de conséquences.
Seulement nous avons fait un constat immuable : aucune communauté, de quelque échelle que ce soit, ne s’est jamais développée en se limitant à se plaindre des bouleversements de son histoire propre.
Tout au contraire, les plus grandes Nations qui dirigent le monde depuis des siècles, sont celles-là justement qui ont fait preuve d’une grande résilience face à ces chocs.
D’aucuns se demandent dès lors :
- Qu’est-ce donc ce terme résilience qui est devenue à la mode ?
- Qu’est qui le caractérise ? Quels sont ses facteurs ?
- Et surtout comment en faire l’outil de changement de mentalité dont a tant besoin l’Afrique pour enfin décoller ?
La résilience a été utilisée pour la première fois en aéronautique pour déterminer la capacité d’une pièce à retrouver sa forme initiale après une distorsion par exemple. En aérospatiale, la résilience d’un appareil, ou d’un moteur, est mesurée à sa capacité à pouvoir continuer de tourner et d’être efficace au moins à 50%, alors qu’il vient de subir une panne ou un dysfonctionnement.
Le terme a ensuite été retrouvé en écologie. En effet, la résilience d’un écosystème ou d’un groupe d’espèces animales ou végétales par exemple, se mesure à sa capacité à revenir à son état initial (nombre d’espèces, qualité initiale de l’environnement) après avoir connu des chocs externes (feu de brousse, inondation, ou pollution massive).
Nous constatons, qu’à travers toutes ces définitions, une seule constante est la base : la capacité.
La première caractéristique de la résilience, c’est qu’elle est une capacité, une qualité interne, une prédisposition chez un individu ou une entité sociale ou économique.
Une autre chose caractérise la résilience, c’est qu’elle doit être portée sur une grande échelle (vaste zone géographique ou sur des agrégats économiques) et de préférence sur une durée assez longue.
Les opinons sont diverses sur cette caractéristique de la taille ou de la durée de résilience de l’entité en question. D’aucuns pensent qu’il est plus pertinent d’étudier la résilience du continent africain face aux chocs, tandis que d’autres pensent qu’il est plus efficace d’étudier par exemple des entités plus petites (Comme le secteur agricole du Sénégal) qui sont mieux mesurables.
Considérons la résilience de la forêt casamançaise face à la surexploitation de son bois par les chinois. Surexploitation qui dure depuis des années, sous la complicité de la Gambie et de certaines autorités du Sénégal. La capacité pour ces milliers d’hectares à se régénérer (La résilience) sera mesurée par les éléments suivants :
- Variation de la pluviométrie face à la déforestation
- Investissement des chinois en termes de matériels d’exploitation
- Prise de conscience des autorités compétentes mais aussi des populations locales directement impactées.
- Capacité de passer à l’action de ces populations pour stopper ce fléau.
Au regard de tout ce qui précède, notre avis est qu’on ne peut appréhender à sa juste valeur la résilience d’une entité, si nous ne mesurons pas cette résilience à l’élément de base de cette entité (résilience de l’abeille d’une colonie face à la raréfaction des fleurs à polliniser pour mieux aborder la résilience de la colonie).
Nous avons noté tantôt que la résilience était une qualité intrinsèque. Cela ne veut surtout pas dire que nous naissons résilients les uns plus que les autres, et qu’à partir de ce moment tout est figé. Que Non !
Du moins pour les entités sociales humaines ou leurs créations (Entreprises, services, produits fabriqués).
En effet, en tant que qualité ou prédisposition à faire face aux chocs de l’environnement, la résilience se cultive et se développe en se basant sur les éléments suivants :
- La défense-protection (choc reçu)
- L’équilibre face aux tensions
- L’engagement-défi la réaction face au choc
- La relance
- L’évaluation
- Le résultat-évaluation
- La positivité de soi la valorisation de la résilience
- L’innovation-anticipation
Il est extrêmement important pour l’homme d’apprendre à cultiver la résilience. S’il est primordial de considérer les éléments ci-dessous pour cultiver la résilience, un élément est incontournable pour développer nos capacités, surtout en Afrique noire : la foi.
L’Afrique a dû sa survie, assurément grâce à la grande spiritualité de ses nations. Il ne s’agit pas du tout d’un certain fatalisme qui pousserait à dire : « le malheur qui nous arrive était écrit, nous baissons les bras et l’acceptons ». Il s’agit plutôt de cette voix qui nous dit : « Ce qui nous arrive était écrit, c’est une épreuve que Dieu nous envoie pour éprouver notre foi. Si nous réussissons à cette épreuve, alors seulement là, IL nous récompensera ».
La foi est même l’épine dorsale de la résilience d’un individu. Nous en voulons pour preuve Serigne Mouhamadou Moustapha MBACKE, premier Khalife du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba MBACKE, fondateur du Mouridisme et de la ville sainte de Touba.
Nous sommes alors en 1929, Serigne Moustapha, conformément à l’une des dernières volontés de son illustre père, décide avec sa communauté de construire la Grande Mosquée de Touba, une mosquée répondant aux normes internationales et qui doit être la plus belle d’Afrique.
Il alla voir l’autorité coloniale pour lui faire part de son projet et solliciter son expertise. Nous sommes en début de crise mondiale, les ressources financières sont extrêmement rares de même que la main d’œuvre.
Le colon évalua le coût total du projet à 5 000 000 francs cfa à l’époque (équivalent à 5 milliards actuels). Serigne Moustapha accepta sans hésiter alors qu’il n’avait pas un sou. Non content de cela, le colon rajouta une condition qui rendu cette mission impossible. En effet, vu la distance entre Diourbel et Touba (plus de 40km), et l’inexistence de route praticable, on imposa à Serigne Moustapha de construire lui-même le rail de 45km, afin de permettre au train d’acheminer tous les matériels et engins lourds de ce gigantesque chantier ; il accepta sans hésiter.
C’est alors que le monde entier fut témoin de l’extraordinaire résilience d’une communauté.
Serigne Mouhamadou Moustapha lança les travaux du rail de Touba le 04 mars 1932, et vu les délais et contraintes de toutes sortes, il organisa la communauté en 2 groupes :
- Un premier groupe uniquement dédié aux travaux du rail.
- Un deuxième groupe chargé de transporter le matériel léger avec ses propres moyens de Diourbel à Touba pour gagner du temps.
Il s’agissait entre-autre des engins légers, des outils, mais aussi des pierres de Rufisque et autres blocs de basalte pesant au moins 20kg et que les disciples transportaient sur la tête.
Pendant des années, marchant avec détermination et bravant les limites humaines (des centaines y laissèrent leur vie) cette communauté non seulement construisit les rails de Touba, mais inaugura sa grande mosquée le vendredi 7 juin 1963, avec à sa tête Serigne Fallou Mbacké, 2ème Khalife de Cheikh Ahmadou Bamba et petit frère de Serigne Mouhamadou Moustapha qui tira sa révérence en 1945.
Aujourd’hui plus que jamais, c’est la résilience du peuple sénégalais qui est en jeu devant la pandémie de Covid 19. Notre résilience, pour nous sortir de ce fléau, fait appel aux valeurs suivantes qui sont à notre portée :
- Foi inébranlable
- Discipline
- Solidarité
- Probité
- Rectitude face aux multiples tentations.
En définitive, la résilience comme toute autre aptitude, ne peut et ne doit rester en l’état de qualité initiale, interne. Comme toute qualité, la résilience en s’adossant sur une foi inébranlable, se cultive et se développe par l’expérience et l’anticipation car ce sont les exigences du monde actuel où nous vivons, et qui est en perpétuelle mutation.
Moussa Gueye
Khadimrassoul.net