Tous les discours du Cheikh étaient axés sur le dhikr, la recommandation de la bienfaisance et l’interdiction de la malfaisance. En substance, on ne se souvient de lui sans penser au Très-Haut. « Nous considérions comme les meilleurs des hommes, disaient les Compagnons, ceux dont la conduite fait penser au Très-Haut ». Son souvenir fait penser au Très-Haut Dont le Nom est Béni, car on ne pourrait se souvenir d’aucun de ses discours, audiences, gestes ou actes sans qu’ils rappellent le Très-Haut. Cette réalité est constatée dans sa conduite envers son Seigneur par tous ceux qui l’ont fréquenté. Du reste, cela est attesté par sa droiture, par la rectitude de sa conduite, par sa conformité à la Loi formelle et par la clairvoyance exotérique renforcée par la lumière de la Vérité. Ceci a pour preuve son sérieux, son application et son scrupule découlant de sa crainte de Dieu. Par scrupule, il ne s’est jamais servi d’un bien douteux, et parmi les nombreuses offrandes qu’on lui amenait, il n’utilisait que celles qu’il savait légalement acquises. Il s’y intéressait, fussent-elles insignifiantes, et évitait le reste.
Il m’est raconté qu’au cours d’un de ses voyages où il fut accompagné de ses talibés, un matin, ils ont rencontré un vieillard. Puis, peu avant midi, ils ont rencontré un homme qui cherchait une personne… Un des talibés lui dit : « Nous avons rencontré un vieillard de teint foncé et de petite taille ». À entendre ce propos, le Cheikh a gémit et dit au talibé : « Ne cesseras-tu de médire les autres ? Va chercher le vieillard et demande-lui de te pardonner ce que tu viens de lui attribuer ».
Lorsque, pendant son enfance, il assista à une réception offerte par Lat-Dior, le Damel du Cayor, en l’honneur de son père qui fut alors le cadi du Cayor, il refusa, par scrupule, de manger des repas préparés dans la maison du Damel ou dans les maisons voisines.
Il avait l’habitude de baisser les yeux et de ne regarder que ce qui le concernait. D’ailleurs, il n’utilisait que le produit du travail de ceux parmi ses talibés, qu’il savait capables de distinguer le licite de l’illicite. Il s’abstenait scrupuleusement, non seulement des interdits mais aussi des inconvenances, et obéissait à Dieu avec ferveur et fermeté, l’obéissance étant considérée par lui comme une parure morale. Sa nourriture spirituelle consistait en l’observance des préceptes de l’Islam et en l’assistance des autres à les observer. Ce qui indique son attachement à cette nourriture, c’est la continuité de sa contemplation qui témoigne de son opiniâtreté au dhikr et sa poursuite des bonnes œuvres et la tranquillité de son cœur découlant du parfait accomplissement des actes dévotionnels. Il se maintenait dans un état de pureté rituelle aussi bien pendant ses retraites que pendant ses audiences publiques et poursuivait la récitation du Coran. De même il ne se passait d’heure sans qu’il n’accomplît une prière. Les prières surérogatoires étaient accomplies [par lui] aussi régulièrement que les prières obligatoires.
Il appliquait toute tradition prophétique de la meilleure manière. Le jeûne prescrit était observé convenablement. Il jeûnait et donnait à ses Mourides l’ordre de jeûner les jours que la tradition recommande. Les jours qu’il tenait le plus à jeûner sont ceux dont le jeûne est recommandé dans les hadiths authentiques comme trois jours de chaque mois, le jour de Arafat, le jour de Ashura et le Tasu’a. Mais il tenait également à jeûner les autres jours recommandés selon les traditions que les traditionalistes ne considèrent pas comme authentiques, comme le 3 de Muharram, le 27 de Radjab, le 15 de Sha’ban et le 25 de Dhul ka’da. Il les jeûnait à l’instar des vertueux Soufis qui appliquent dans le domaine des œuvres surérogatoires des traditions qui ne sont pas authentiques selon l’usage technique de ce qualificatif. Une autre raison, qui l’incitait à jeûner ces jours, consistait dans le rôle positif du jeûne en général pour dominer l’âme charnelle, pour parachever l’éducation spirituelle par la maîtrise nécessaire de la passion.
Extrait minanoul Bakhil Khadim
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