Pour toute communauté religieuse il existe un jour qui est idéologiquement le symbole de leur identité. Ainsi pour le musulman mouride noir, ce 18 Safar est celui de la délivrance, de l’entame d’une contribution scientifique à la marche de l’humanité ou tout simplement le jour porteur de la bonne nouvelle quant aux promesses de Cheikh Ahmadou Bamba.
En ce qu’il fut la face et le symbole d’une révolution ayant pour substratum le culte exclusif de Dieu et la servitude du prophète Mohamed (PSL), Serigne Touba se dressa pour sauver son peuple par ricochet. Sans ce jour-ci notre destin de disciple pouvait être différent. Bienheureux alors que le saint aux habits blancs immaculés présenta sa candidature pour hisser haut le drapeau de l’Islam face aux eaux troubles de la colonisation et l’acculturation.
Pour un événement célébré même au paradis qui, par essence est un lieu échappant à la notion de la durée, le Magal échappe à l’usure du temps.
(…) Oui il fut bien éprouvé notre Cheikh surtout à partir de ce jour (18 Safar 1313 H). Et au pinacle de ces épreuves figure le vécu de l’injustice et l’incompréhension des hommes à son égard. D’emblée sur l’échiquier politico-religieux de 1895 il eut à faire front à l’injustice du commandant Leclerc une autorité coloniale influençable à souhait et l’animosité des chefs locaux qui voyaient par le non-paiement des impôts immérités des mourides une désobéissance civile qui remettait en cause leur pseudo diktat.
Le sort semblait être jeté quand les calomniateurs sachant qu’il n’avait pas l’habitude de répondre à aucune autorité, soufflèrent au gouverneur qu’il n’allait point déférer à leur convocation. Ainsi le retour de mission de Mame Thierno ce matin-ci coïncide avec la préparation de son cheval.
Dans son optique un esclave de Dieu se satisfaisant de son destin et du décret divin ne se devait de tergiverser sur ce qui était inévitable. Ici il s’agissait au premier chef de la confrontation proche de Jewol. Mais un esclave si exalté que lui savait aussi qu’en s’abandonnant à Dieu tout en s’attachant à la Sunna prophétique, rien de mal ne pouvait lui arriver.
Au demeurant remettre sa vie entre les mains du Seigneur est un concept qu’il appliqua toute sa vie durant.
Et Serigne Bassirou Mbacké de nous rassurer en écrivant dans Minanoul Baqil khadim : « à ce moment, le monde l’abandonna (les damels déchus) et lui reprit toute sa parure. (…) En revanche les connaissances gnostiques virent à lui et les sublimes stations le privilégièrent. (…) autant s’assombrirent, à cause de son départ les visages de ses mourides et de ses amis intimes, autant s’éclaircirent à cause de sa compagnie les visages des compagnons célestes : les âmes des guerriers du Badr et leur renfort, les anges supérieurs. Voilà pourquoi il proclame dans Assirou qu’il marchait en compagnie des vertueux, alors que les ennemis croyaient qu’il était leur captif. »
Ainsi après le procès du bureau du gouverneur de l’AOF, Cheikh Ahmadou Bamba devint un Mutagharib (pauvre expatrié) devant aller être jeté dans le Jazira (l’ile) du Gabon où le plus grand malheur semblait pouvoir être le fait qu’il ne rencontrât personne qui fut en quête de Dieu ou de sa voie (Sabil).
Dès lors seul, il se résolut à adorer le Seigneur et à servir le prophète Élu. Ceci lui permit d’arriver à l’état où il pouvait prétendre écrire que les mois et les jours étaient devenus pour lui comme des personnes (ashkas) qui lui tenaient compagnie.
Extrait discours Serigne Khadim Gaydel Lô, Magal 2020
Khadimrassoul.net