Netali Borom Ndame

WADE et le Mouridisme

L’histoire que je vais vous raconter m’a été relatée telle quelle, il y a plus d’une trentaine d’années, par un septuagénaire que j’ai rencontré à l’occasion d’une une cérémonie de funérailles à Kébémer.

« Mor Tolla WADE, le père de Abdoulaye fut un grand tailleur. Il s’était installé à l’entrée principale d’une grande boutique de commerce de la ville de Kébemer. A cette époque-là, dans toutes les grandes villes comme Saint-Louis, Kébemer, Louga, Thiès, Rufisque et Dakar, il y avait de grandes maisons de commerce tenues par des français venus notamment de Bordeaux. Parmi ces établissements commerciaux, on peut citer Maurel et Prom, Buhan Teissère, Lacombe et Peyrissac. Le grand et le petit commerce ainsi que les chemins de fer alimentaient l’économie de toutes ces villes que traversaient les voies ferrées.

Même s’il n’était pas très riche, feu Mor Tolla WADE menait des activités professionnelles assez florissantes. Il pouvait ainsi subvenir largement à ses besoins, à ceux de sa famille et de ses proches. Originaire de la ville de Saint-Louis, ce grand notable, était connu pour son appartenance à la Tarikha Khadriya. En effet, il recevait dans son domicile, pendant des jours, des descendants du Prophète (Chérifs) venus de la Mauritanie. Il était aussi connu pour les gestes discrets de bienfaisance envers les plus démunis, auprès de ses frères musulmans et en direction des hommes de DIEU. C’est ainsi que des rumeurs faisaient beaucoup état de boubous qu’il aurait cousus pour Cheikh Ahmadou Bamba, le fondateur du « mouridisme ».

D’ailleurs feu Moustapha WADE, frère ainé de Me WADE dit détenir de Serigne Abdou Lahat MBACHE, alors Khalife Général des Mourides, que le boubou que porte Cheikh Ahmadou Bamba dans l’unique photo léguée à la postérité est cousue par leur père.

Aussi, se racontait-il, de bouche à oreille, qu’un jour il s’était rendu en visite à Touba, où le Cheikh lui aurait dit ceci : votre épouse mettra au monde un garçon très brillant dont la renommée traversera les frontières de ce pays. Il sera un Grand Homme (kilifa).

Quelques mois après cette prophétie, le bébé de sexe masculin naquit à Kébemer. Son père décida de lui donner le nom de Cheikh Ahmadou Bamba. Mais contre toute attente, le jour du baptême, Serigne Ablaye FALL, un grand dignitaire Baye FALL arriva à Kébemer par le train venu de Saint-Louis. Il se rendit immédiatement chez Mor Tolla WADE, un lieu connu à cette époque pour recevoir de grands Marabouts et Hauts Dignitaires de passage dans cette localité devenue la capitale du Cayor. Il arriva juste au moment où l’assistance s’apprêtait à baptiser le nouveau né. Il fut alors installé à la première place, eu égard à son rang de digne représentant de Mame Boroom Touba.

L’honneur lui revenait ainsi de diriger la séance. Sans attendre, comme à l’accoutumé, qu’on lui souffle discrètement le nom que le père avait choisi pour son fils, le guide religieux, assez autoritaire, s’arrogea pleinement la prérogative de diriger les opérations et déclara publiquement qu’il a donné son propre nom au nouveau né. « Fekke ma si boole », disait-il, avant d’ajouter : l’enfant porte le nom d’Abdoulaye WADE. Mor Tolla était surpris par la tournure des événements. Néanmoins, il prit en compte le respect que toute l’assistance voue à son hôte de marque et garda son secret jusqu’au départ de celui-ci.

Il magnifia devant l’assistance le geste combien important et significatif ainsi que l’honneur que ce grand marabout lui fit en acceptant de présider la cérémonie de baptême de ce garçon. Puis, poursuivant sa route, Serigne Ablaye FALL se rendit à Touba. Dès son arrivée au Lieu Saint, le Cheikh lui dit : Ablaye, toi et moi, nous sommes pareils. Nous ne faisons qu’un seul ».

Khadimrassoul.net                                                                                                                               (contribution) Par Mamadou Fall

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