A l’époque du Prophète (PSL) et de ses Compagnons, la théologie consistait simplement en la connaissance de la façon dont il faut obéir à Dieu et à Son Messager, et en la connaissance des implications de cette obéissance, à savoir la dévotion constante, la sincérité, le combat pour la cause de Dieu par sa personne et par ses biens, l’abstinence et la rigueur morale. Posséder cette connaissance constituait une bonne compréhension de la Religion. Celui qui saisissait le mieux la Religion, était le plus zélé dans la dévotion, le plus soucieux de savoir le Jugement de Dieu en toute affaire, et était celui qui s’abstenait de formuler un jugement devant une situation, avant de connaître le Jugement de Dieu.
Par ailleurs, la morale religieuse, adoptée par tous les musulmans de cette belle époque, exigeait que l’autorité la plus reconnus fût celle de celui qui ne prenait pour guide que la vérité, que fût considéré comme le plus riche celui qui dépensait le plus dans le but d’obtenir la Satisfaction de Dieu. En outre, c’était le plus proche de Dieu, d’après cette morale, le moins enclin aux voluptés et le plus éloigné de la vaine prodigalité.
Mais quand les conquêtes des musulmans se succédèrent, que les territoires soumis à leur juridiction s’étendirent, que les Compagnons et leurs successeurs se dispersèrent dans les provinces, que les ulémas s’éloignèrent les uns des autres et que des éléments destructifs pénétrèrent l’Islam, (quand tout cela se fut produit) les musulmans sentirent la nécessité de se spécialiser pour mieux étudier et développer les différentes branches de la science religieuse. Ce sentiment était, du reste, conforme à la Volonté éternelle du Créateur des natures, instincts et aptitudes différents. La Miséricorde divine veut que la diversité d’opinions résultant de cette spécialisation profite à tous les croyants.
C’est ainsi qu’un groupe de savants musulmans fut amené à se consacrer à l’étude de la Loi islamique, tandis qu’un autre groupe se spécialisa dans le recueil des traditions prophétiques et la vérification des chaînes de garants, rapporteurs des hadiths. Cependant un troisième groupe, soucieux de mener une vie tranquille et contemplative, préféra se retirer de la vie publique pour mieux se vouer à la dévotion en se faisant subir toutes sortes de privations, en imposant à sa conscience un compte de ses actions.
Au cours du deuxième siècle de l’Hégire (8ème siècle de l’ère chrétienne), quand les sciences islamiques furent recueillies et établies, que les ulémas, connus dès lors sous l’appellation de fukahâ (juristes musulmans), composèrent des ouvrages sur les questions juridiques, et que des hommes appartenant au troisième groupe précité, s’appliquèrent à l’étude de sujets tels que : le contrôle de la conscience , l’ascétisme , la rigueur morale, le combat contre ses propres défauts en vue d’une purification intérieure et l’adoption des qualités prophétiques et coraniques ; quand tout cela se fut produit, on attribua aux hommes de ce dernier groupe le nom de « Soufiyya » ou mystiques et la science qu’ils étudiaient fut appelée : le « tasawwuf » (la Mystique).
Le mot tasawwuf dérive, dit-on, du mot sûf (la laine) ou de safâ (la pureté) ou de suffa (Il s’agit ici d’un auvent en saillie fait de branches de palmier et situé à l’entrée de la mosquée où, du temps du Prophète, de pauvres gens dévots passaient la nuit). Mais Al-Kushayrî conteste cette étymologie tandis qu’Ibn Khaldûn n’écarte pas la première hypothèse. En effet, les premiers Soufis se distinguaient par le port de manteaux en laine par souci d’ascétisme.
La mystique et la Loi religieuse émanent de la même source. La seule différence entre elles réside dans le fait que les mystiques attachent plus d’importance à la scrutation minutieuse à laquelle ils soumettent leurs âmes et leurs consciences, et à la pratique visant à s’assurer de sa rectitude par la réception des Grâces et la concentration de tout intérêt sur Dieu en donnant la priorité à la protection de l’âme, tendance étayée par le Verset coranique qui dit : « Ô vous qui croyez ! Vous êtes responsables de vos âmes » (5/105) ; et le hadith qui dit : « C’est une bonne application de l’Islam [par son adepte] que de s’abstenir de s’immiscer en ce qui ne le concerne pas ».
Cependant, l’application de la Loi islamique dans son intégralité et la pratique de la mystique sont presque incompatibles. Seuls peuvent les concilier un Prophète, un Véridique ou un Saint imbu de Force et de Sagesse divines. Celui qui réussirait à les réunir serait le plus digne héritier de Muhammad (PSL) et serait parmi ceux dont le Prophète disait : « Les savants de ma communauté sont comme les Prophètes des fils d’Israël ».
Extrait minanoul Bakhil Khadim
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