Muhammad, fils d’Habib, fut un noble savant jurisconsulte agréé par les musulmans en tant qu’imâm. Princes et rois l’aimaient également parce qu’ils avaient réalisé l’ensemble de sa science, la grandeur de sa rigueur morale, son caractère véridique et l’équité de son jugement. Il était originaire du village de MBACKE situé dans la province du Baol. Ce village fut construit par son grand-père Muhammad (mort vers 1802) qui y installa certains de ses enfants. La terre où MBACKE fut fondé, constituait une concession que Amary Ngoné (1790-1810), le roi du Cayor et du Baol, avait octroyé à Mahram Mbacké.
Par ailleurs, le savant Muhammad fils de Habîb Allâh, père de l’imâm, était originaire du Baol, quoiqu’il eût commencé sa formation scientifique dans les écoles du Ndiambour, la plus grande province du Cayor peuplée exclusivement de musulmans. Son maître fut un cheikh du village de Kokki nommé Massamba Anta Diop qui fut comme ses ancêtres, un des éminents ulémas. Leur famille fut réputé pour le nombre d’ulémas qu’elle a fourni au Cayor et aux autres contrées du Sénégal depuis le temps de leur ancêtre Mukhtar Ndoumbé (1701-1783-4) dont j’ai daté la naissance et la durée de vie dans ces deux vers :
« En l’an 1113 de l’émigration de l’Elu naquit Mukhtar l’ancêtre des gens de Kokki.
Source de science, il vécut quatre-vingt-trois ans et laissa des successeurs imbus de sciences ».
Massamba Anta apprit la grammaire à Muhammad fils de Habîb Allâh et à Muhammad BOUSSO, l’oncle maternel de Cheikh Ahmadou Bamba. En effet, j’ai vu un poème de panégyrique destiné au maître et composé par un de ses disciples à la suite de l’étude d’un livre de grammaire dont le contenu, extrait du tashîl , fut mis en vers et inséré dans l’alfiyya d’Ibn Mâlik par Ibn Bûna.
Après son séjour à Kokki, Muhammad fils de Habîb Allâh s’en fut au Saloum. Il n’est d’ailleurs pas exclu qu’il reçût sa formation en matière de théologie, de droit et d’autres disciplines auprès du Cheikh Muhammad SALL de Bamba, un des maîtres les plus illustres.
Jouissant d’une grande renommée, ce cheikh était considéré par les musulmans et les rois comme un saint, savant pratiquant, juste, digne de foi et vénérable. Il mourut sans laisser de postérité. Ses frères utérins, par contre, en laissèrent.
C’est d’ailleurs le nom de Bamba, son village natal, qu’on ajoute à celui de notre Cheikh en témoignage de l’amitié qui le liait à son disciple, Mame Mor Anta Saly. Ce fut là une tradition du pays : les gens donnaient à leurs enfants les noms de leurs maîtres ou ceux de leurs parents, ou leur donnaient les noms des provinces ou villages natal de leurs maîtres.
Sa formation terminée, Muhammad, fils de Habîb Allâh, continuateur de l’action bénéfique de ses maîtres, se mit à enseigner. Ainsi sa réputation ne tarda-t-elle pas à être connue partout. Du Saloum comme du Baol, du Cayor comme du Ndiambour, lui vinrent des disciples parmi lesquels figuraient des fils de ses maîtres tel que Massamba Marème fils de son maître Massamba Anta DIOP cité plus haut. Ce Massamba Marème, savant, grammairien et linguiste, a commencé l’Alfiyya d’Ibn Mâlik (mort en 1271 de l’ère chrétienne).
Muhammad, fils de Habîb Allâh, enseignait à Ndia-KANE, localité située à proximité de Mbacké son village natal, où il demeurait la plupart du temps auprès de ses oncles maternels dont le chef fut la vénérable autorité Ahmadou Binta KANE, frère de Anta Sali mère de Muhammad, fils de Habîb Allâh.
Pendant le rassemblement des musulmans dans le Saloum, les tribus musulmanes habitant des territoires éloignés les uns des autres purent se connaître. Les dons des imâms se manifestèrent. Mais Muhammad, fils de Habîb Allâh, se distinguait de tous de par son bon enseignement, la rectitude de ses connaissances en matière juridique et par sa franchise et sa sincérité. Ainsi sa demeure devint-elle le lieu de rencontre des groupes d’étudiants et de demandeurs de fatwa.
Avant son retour au Cayor, Lat-Dior avait demandé avec insistance à Mame Mor Anta Saly de l’accompagner afin de lui servir de collaborateur et conseiller dans les affaires religieuses et d’assurer la magistrature et l’exécution de ses ordonnances. En effet, nul ne jouissait de la confiance du souverain comme ce cheikh.
Ayant examiné la demande de Lat-Dior, Mame Mor Anta Saly la trouva conforme à son devoir de donner des conseils en matière de religion et en espéra une grande récompense : « Certes, que Dieu guide un seul homme sur la voie droite grâce à toi, est mieux pour toi que les biens les plus chers. » Aussi partit-il avec Lat-Dior qui lui octroya une terre appelé Patar et située entre Kokki (Gouye) et Thilmakha, la demeure du souverain. Celui-ci fixa pour Mame Mor Anta Saly des heures au cours desquelles il exerçait sa magistrature. Il passait le reste du temps dans son village de Patar pour cultiver son champ, instruire ses disciples et donner des fatwa à ceux qui les sollicitaient. Cheikh Ahmadou Bamba vivait chez son père durant ces circonstances.
Peu de temps après, le Damel quitta Keur Amadou Yalla pour s’installer dans sa résidence de Souguère. Momar Anta Sali à son tour construisit près de là un village baptisé Mbacké-Cayor. Il y resta deux ans avant de mourir au mois de Muharam de l’an 1300 de l’Hégire. J’ai entendu Ahmadou Bamba dire: « J’ai récité le Coran au chevet de mon père qui agonisait au cours de la journée du lundi. Il mourut dans la nuit du mardi et fut inhumé à Dékhelé (un village situé dans la province de Mbakol) où sa tombe fait toujours l’objet de visites. »Ahmadou Bamba accompagna le cortège qui transporta la dépouille mortelle de son père à Dékhelé. Au cours du trajet, certains cavaliers lui offraient leurs montures. Mais il leur répondit qu’il préférait marcher. La foule immense réunie pour assister aux funérailles choisit pour diriger le service funèbre Serigne Taïba Muhammad Ndoumbé de Sill.
Khadimrassoul.net vous souhaite un bon MAGAL de Mame Mor Anta saly célébré ce samedi 22 fevrier 2014.
