Jar Jaari Serigne Touba

Jar Jari Serigne Touba[3] : Une attitude distante et hostile face aux colons

Devant l’afflux des adeptes auprès de lui, en foules nombreuses et passionnées (qualifiées d’hystériques dans les rapports d’administrateurs), malgré les menaces, les interdictions de déplacement, les dispersions de la force, les français s’inquiétèrent sur les desseins du marabout soupçonné de vouloir ranimer la guerre sainte et d’avoir des ambitions politiques. Cette crainte trouvait, aussi, sa raison dans l’attitude distante, voire hostile, de celui-ci vis-à-vis de l’administration aux convocations de laquelle il refuse de répondre. Marty note qu’ « invité à plusieurs reprises en Mai 1903 à se présenter à Saint-Louis, Ahmadou Bamba éluda tous les ordres. Je vous fais savoir écrivait-il à l’autorité locale, que je suis le captif de Dieu et ne reconnais pas d’autre autorité que Lui ». Cette situation conflictuelle va durer jusqu’en 1912, année où Ahmadou Bamba après de nombreux exils, est autorisé à s’installé à Diourbel, au cœur du pays wolof, en ce moment, un tournant est pris dans les rapports entre Ahmadou Bamba et l’administration coloniale. Durant ses exils, selon Marty, il y a eu des rapports de collaborations entre les représentants du mouridisme et les hommes politiques, comme François Carpot, qui facilitèrent le retour du marabout. Celui-ci avait adopté, aussi bien au Gabon qu’en Mauritanie, une attitude irréprochable consacrant l’essentiel de son temps à l’étude et à la prière. En avril 1907, le commissaire du Gouverneur Général en Mauritanie, ayant fait remarquer l’attitude correcte du Serigne depuis quatre ans et sa conduite irréprochable lors des événements du Trarza et du Tangant, demanda et obtint le retour au Sénégal d’Ahmadou Bamba.

A son retour au Sénégal, après sa deuxième déportation, il n’aspirait plus qu’à la paix et à la tranquillité, pour se vouer à Dieu. L’age, la fatigue, à la suite de son long internement au Gabon, la consolidation de la colonisation l’avaient rendu plus accommodant vis-à-vis de celle-ci.

A partir de ce moment, la paix était définitivement faite avec les pouvoirs politiques, la résistance à la colonisation ne constituait un facteur de polarisation pour la confrérie. Celle-ci va se lancer à la conquête des terres neuves du Ferlo occidental, aux limites du Djolof, du Cayor et du Baol, afin de s’adonner à la culture arachidière que les français encourageaient dans le but de ravitailler la métropole en huile, et que les marabout entreprendront pour se procurer des revenus monétaires et s’enrichir, ce que les cultures de subsistance ne permettaient pas. La société entrait, dès ce moment, dans le circuit de l’économie monétaire du pacte coloniale.

Au total, nous pouvons dire, qu’en pays wolof, nous avons vu que l’Islam était essentiellement confrérique. Ce caractère s’explique par deux raisons principales ; l’une d’ordre externe : l’influence ancienne, précoloniale, de marabouts arabes berbères venant de régions où le mysticisme prédominait largement sur la doctrine scientifique et qui propageait l’enseignement de leur voie ; l’autre, d’ordre interne, est fournie par la crise sociopolitique profonde créée par la conquête coloniale ; celle-ci a favorisé l’émergence des personnalités religieuses, à la tête de confréries qui réorganisaient la société face à la destruction du pouvoir monarchique.

Serigne Khadim Gaydel Lô

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