Aux alentours de l’an 1300 H, le Cheikh s’était déjà installé au Baol où les gens s’empressèrent auprès de lui tels des fourmis. Les chemins menant à Mbacké, des différentes parties du Cayor et du Baol furent empruntés par les voyageurs qui venaient à pied et avec leur monture. Ainsi, dès que le calme fut revenu au pays après la guerre menée par les Français contre les nationaux et qu’ils eurent consolidé leur occupation du pays, les plaintes et les calomnies émanant des chefs wolofs commencèrent à parvenir aux autorités coloniales à cause du nombre croissant des disciples de notre Cheikh et parce que ses Mourides se détachaient de leurs proches et connaissances afin de se consacrer au service de Dieu et au zikr.
D’ailleurs, vous avez déjà vu que les premières choses qu’il imposait à ses nouveaux adeptes étaient le travail, le renoncement aux plaisirs de la vie, la pratique du zikr et la conscience des obligations religieuses, telles que la connaissance de la théologie, du droit et de la mystique. La plupart des manuels destinés à l’instruction des talibés étaient choisis dans ses propres écrits. Car, il connaissait le mieux ce qui convenait à son temps et ce qui méritait priorité.
Ensuite, s’accrurent et se succédèrent, de manière considérable, les visites effectuées auprès du Cheikh par les particuliers et les chefs temporels outres celles de la masse. Le tumulte résultant de ce mouvement fut entendu dans tous les coins du Sénégal. Ces Mourides, du reste, se distinguaient des autres par leur constante application et leur sérieux dans le travail et leur préoccupation commune et exclusive des ordres de leur Cheikh. C’est pourquoi se multipliaient les plaintes émanant de tous côtés : des Musulmans comme des chefs temporels nationaux. Car les Musulmans craignaient la vacance de leur zâwiya, et les chefs temporels la dispersion de leur entourage ; vacance et dispersion qui devenaient inéluctables du fait du courant constitué par cette nouvelle force : le Mouridisme. Aussi n’était-il pas étonnant que de grandes personnalités fussent montées contre lui par ses ennemis et adversaires, dès qu’apparurent les signes précurseurs de sa prédominance sur les émules et sur ses contemporains. À ce propos, une tradition dit :
« Le croyant se trouve constamment confronté à cinq épreuves : la jalousie d’un croyant, la haine d’un hypocrite, le combat livré contre lui par un infidèle, la tentation de Satan et l’indocilité de l’âme charnelle ».
Sans doute, l’observance de la Loi avait-elle protégé le Cheikh contre Satan, et la crainte de Dieu avait-elle maîtrisé son âme charnelle. Mais le plus injuste et le plus ignorant parmi les génies et les hommes s’acharnait contre lui. Ce fut l’épreuve qui le distinguera des autres et le joindra aux héritiers des Prophètes et des Hommes de Fermeté parmi les Messagers, et lui permettra d’occuper le rang réservé aux serviteurs les plus dévoués à Dieu : le rang de l’héritage du Prophète (PSL). À ce propos, un hadith dit : « De tous les hommes, les Prophètes sont ceux qui subissent les plus dures épreuves, ensuite les plus parfaits, enfin ceux qui se rapprochent le plus de la perfection ».
Extrait Minanoul Bakhil Khadim
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